L'unité du genre humain

Race et histoire à la Renaissance

ISBN : 978-2-84050-926-4
Date de publication : 11/03/2014
Format : 16 x 24
Nombre de pages : 396
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25,00 €

Comment la Renaissance, si éprise d’unité, pour ne pas dire obsédée par la quête de l’unité, est-elle néanmoins parvenue à penser la diversité humaine ? Au début de l’ère moderne, plusieurs facteurs ont contribué à l’émergence d’une nouvelle anthropologie. Les grandes navigations entraînèrent un élargissement spectaculaire de la vision du monde et un renouvellement des savoirs géographiques. L’invention du Sauvage (ou sa réinvention) rendait nécessaire de penser à nouveaux frais le problème de la diversité des cultures, de leur origine commune, et de leurs contacts passés et à venir. La confrontation des Européens avec une altérité radicale, mais aussi la possibilité ouverte du métissage, posèrent de manière nouvelle le problème de l’unité du genre humain. Les débats qui s’engagèrent alors, en matière de missiologie notamment, ont opposé les tenants des divers types de polygénisme aux partisans du monogénisme — la doctrine orthodoxe en la matière. La construction des idéologies coloniales modernes mobilisait aussi bien l’héritage biblique et patristique que les savoirs antiques. Parallèlement se trouvaient jetées les fondations d’un nouveau savoir historique, soucieux de vérifier et de hiérarchiser ses sources, et de confronter les savoirs livresques aux données de l’expérience. Le renouveau de l’histoire nationale permettait de mieux prendre en compte les témoignages des antiquaires ou des chroniqueurs, alors que l’histoire universelle encore balbutiante tentait de penser l’évolution parallèle des civilisations, leur décadence, leur progrès ou leur évolution cyclique. Dans l’espace aussi bien que dans le temps, la prise en compte scientifique du réel voisinait volontiers avec l’utopie et le mythe, la pensée religieuse faisait bon ménage avec la rationalité économique moderne. L’Âge classique et les Lumières sauront faire usage des matériaux et des problèmes légués par la Renaissance, en les complétant et en les transformant pour leur compte, dans des sphères aussi diverses que le droit naturel, la comparaison et la critique des religions, la constitution d’une anthropologie d’intention scientifique. Les positions et les polémiques étudiées dans le présent volume joueront donc à long terme un rôle constitutif dans la mise en place de la modernité.

 

Présentation

Ouverture, par Frank Lestringant

I. L’unité et la diversité
Frédéric Tinguely, « Relativisme et conscience de l’unité du genre humain »
Jörg Dünne, « L’homme, l’histoire et le climat à la Renaissance. Bodin et Montaigne, du global au local »
Sébastien Galland, « Le polygénisme et la diversité des cultures comme expression de l’Un. Giordano Bruno
défenseur des Indiens contre l’idéologie coloniale » Philippe Desan, « “Les hommes sont tous d’une espece” : diversité et unité de l’homme d’après
Montaigne.

II. Comment concevoir un universel anthropologique ?


Yann Rodier, « L’anthropologie des passions du capucin Yves d’Evreux ou l’humanité “à parts égales” des
Tupinambas du Maranhão »
Caroline Callard, « L’humanité à la lumière spectrale.
L’unité du genre humain dans le Traité des Spectres de Pierre Le Loyer (1586-1608) » Sophie Peytavin, « L’unité du genre humain chez Montaigne : théorie(s) et pratique(s) »
Michèle Clément, « Scève, 1562 : un microcosme universel ? »

III. L’humanité et ses limites

Jean Céard, « Y a-t-il des races d’hommes monstrueux ? »
Grégoire Holtz, « Le droit à la paresse ? Unité du genre humain, animaux travailleurs et peuples paresseux à la Renaissance »
Nestor Capdevila, « La conquête de l’Amérique et l’ambivalence de la proposition de l’unité de
l’humanité »

 

IV. L’entreprise missionnaire : prise en compte ou réduction de l’altérité ?

Jean-Claude Laborie, « La seconde scholastique de Salamanque et l’unité du genre humain »
Grégoire Chamayou, « Humanisme et chasse à l’homme.
Le cas de la conquête de l’Amérique »
Andreas Motsch, « Le genre humain entre le particulier et l’universel : José de Acosta et Joseph-François Lafitau »
Marie-Christine Gomez-Géraud, « Unité du genre
humain et perspective missionnaire jésuite : la question de la langue »
David Beytelmann, « Les enjeux politiques de la
conversion : une réflexion sur le devenir juridique et social de quelques minorités et groupes opprimés dans l’espace ibérique »

V. Métissages et représentations

Carmen Bernand, « La diversité du genre humain dans l’empire ibérique : l’exemple des spectacles musicaux » Dominique de Courcelles, « Diversité du réel et unité humaine : 1540, à Séville, un “best-seller” d’encre et de papier, et en Nouvelle Espagne, un tableau oublié de plumes »

VI. L’énigme des origines : peuplemen(s), généalogie(s) et géographie(s)

Adeline Desbois-Ientile, « Constructions généalogiques et unité du genre humain : l’ancêtre troyen dans la littérature de cour du début du XVIe siècle »
Phillip John Usher, « L’unité du genre humain à l’échelle régionale : géographie et généalogie dans deux “longs poëmes” du XVIe siècle »
Georges Tolias, « L’ordre du monde : régions antiques et peuples modernes dans les premières cartes du monde imprimées »

Louise Bénat Tachot, « Terres et hommes d’Amérique : la question de l’origine de l’homme américain dans les premières chroniques des Indes »
Alexandre Tarrête, « Le “Sauvage” et l’unité de l’Histoire humaine (Thevet, Léry, Montaigne) »
Postface : crise et reconstruction, par Pierre-François Moreau Orientation bibliographique - Index nominum.

Frank Lestringant est professeur de littérature de la Renaissance à l’université Paris-Sorbonne. Il est docteur honoris causa de l’Université de Genève (2015). Spécialiste des voyages au Nouveau Monde au XVIe siècle et de la littérature des guerres de Religion, il a publié une trentaine de...

Pierre-François Moreau est professeur de philosophie à l’École normale supérieure de Lyon, et membre de l’Institut d’histoire de la pensée classique (UMR 5037). Ses travaux portent sur l’Âge classique et tout particulièrement sur Spinoza, mais aussi sur les matérialismes antique et moderne, sur...

Alexandre Tarrête est maître de conférences en littérature à Sorbonne Université. Ses enseignements et travaux de recherche portent sur la littérature et la philosophie à la Renaissance, sur les moralistes du XVIe siècle (La Boétie, Montaigne, Du Vair, Lancre, Charron), sur l’éloquence (Du Vair...