Tolkien et la religion
Comme une lampe invisible
Peut-on qualifier Tolkien d’« auteur catholique », comme certains sont tentés de le faire ? Converti par sa mère au catholicisme, Tolkien resta toute sa vie un fidèle pieux et pratiquant, mais plutôt conservateur. Enracinée au cœur de sa vie privée, la religion l’est aussi au sein du groupe des Inklings, dans lequel Tolkien joua un rôle clé et qu’animait son meilleur ami, C.S. Lewis, universitaire connu pour ses livres de théologie populaire. De même, elle l’est dans la carrière universitaire du créateur de la Terre du Milieu, dans les textes du Moyen Âge, chrétiens, païens, ou mixtes, dont il était spécialiste et où il puisa en grande partie son inspiration.
Mais les romans de Tolkien, d’où le terme Dieu est écarté, véhiculent-ils une spiritualité définie ? Cet essai explore la mythologie de l’auteur, non seulement dans les deux romans publiés de son vivant (Le Hobbit et Le Seigneur des Anneaux), mais aussi à travers l’ensemble de légendes, Le Silmarillion et L’Histoire de la Terre du Milieu, sur lequel il travaillait incessamment, sans pouvoir l’achever de manière satisfaisante. À des degrés divers, difficiles à cerner originellement, mais plus accentués vers la fin de la vie de l’écrivain, les thèmes du mythe, de la religion et de la spiritualité ne cessent d’être présents dans cette œuvre vaste.
Tolkien « auteur catholique » ? Leo Carruthers souligne l’aspect neutre d’une mythologie fidèle à sa logique interne, une préhistoire humaine placée dans un temps indéfini, où l’on ressent toutefois « une sorte de foi, comme une lampe invisible ».
Avant-propos Introduction : Auteur catholique / catholique auteur ?
Première partie CHEMINS DE VIE
Chapitre 1. Vivre en catholique La conversion d’une mère et ses enfants. – Les catholiques en Angleterre : le choc des cultes. – L’influence du cardinal Newman et ses héritiers spirituels. – La mort de la mère. Un père de substitution. – La pratique religieuse dans la vie privée. – Un catholique « normal » et la vie de famille
Chapitre 2. Fraternité littéraire et spirituelle Tolkien, Lewis et les Inklings. – Un jeu de mot parlant. – Le caractère masculin des Inklings. – La théologie populaire et le roman. – Les aléas de la vie. – Owen Barfield et l’anthroposophie. – Quelques amis prêtres
Chapitre 3. Échos du Moyen Âge Christianisme et écriture en Europe médiévale. – Boèce et la Consolation de la Philosophie. – Beowulf. – Ancrene Wisse (Guide des recluses). – Sire Gauvain et le Chevalier vert. – Pearl (La Perle). – Patience, Jonas et la Bible de Jérusalem. – Les Eddas et les Nains. – Le Kalevala
Seconde partie PARCOURS EN TERRE DU MILIEU
Les trois œuvres majeures Le Silmarillion et L’Histoire de la Terre du Milieu |
La création d’Arda et les Quatre Âges du monde Une mythologie complexe, une chronologie inventée La vision judéo-chrétienne dans une préhistoire imaginaire Un catholique conventionnel qui refait le monde La colère divine : l’Akallabêth Eru, l’Un, Ilúvatar, Père de Tout Le Hobbit et le cycle solaire Le libre arbitre : le choix des êtres intelligents Vision d’un philologue Monstres et dragons Anges, esprits, peuples féeriques Créatures de l’ombre Courage dans l’adversité Rites funéraires païens Figures christiques Épique biblique : vers le Paradis Les Âges de la Terre du Milieu et l’ère chrétienne Le calendrier chrétien dans la guerre de l’Anneau Gandalf et les fêtes des Archanges L’incarnation d’Eru et le salut du monde
Conclusion La lampe invisible. – Les lettres et la critique. – Fignole part en Faërie
Bibliographie sélective |
Leo Carruthers est professeur émérite de l’université Paris-Sorbonne, en études médiévales anglaises. Ses recherches portent sur les rapports entre religion et société dans les îles Britanniques. Auteur de L’Anglais médiéval (Brepols, 1996), il a publié plusieurs livres et articles sur...